Le 24 février 2021
Presque un an sans soirée digne de ce nom, une pandémie mondiale et des confinements qui n’arrangent pas l’affaire… le constat est sans appel : le seul moyen de rencontrer quelqu’un, c’est de passer par une appli de rencontres. Alors je swipe. Pas mal. Les profils défilent et j’alterne entre les différentes applis pour être sûre de ne pas rater la perle rare : Bumble pour plus de rapidité, OkCupid si j’ai des envies de lecture, et Tinder pour le reste.
Il m’a fallu peu de temps pour réaliser que ces applis comportent beaucoup (beaucoup !) de fans d’OSS 117.
Ils le mentionnent comme une « religion » ou bien citent une des innombrables répliques des deux films devenus cultes : « J’aime me beurrer la biscotte », « Comment est votre blanquette »… ou encore, pour les plus avertis, « c’est l’inexpugnable arrogance de votre beauté qui m’asperge », souvent suivi d’un subtil « Si t’as la réf, viens me parler ;) ;) ».
Bien que j’apprécie sincèrement ces films, quelque chose me retient de liker les fans d’OSS 117 sur les applis de rencontres. Quelque chose qui me chuchote qu’au-delà d’aimer les films d’espionnage et Jean Dujardin, les mecs qui citent Hubert Bonnisseur de la Bath pour draguer s’en servent peut-être pour se dédouaner d’une attitude pouvant se rapprocher de celle de ce personnage franchement misogyne, raciste et antisémite.
Alors j’ai enquêté pour savoir si j’avais raison de me méfier.
OSS 117, du second au premier degré
Dans les films de Michel Hazanavicius, le côté hyper problématique du personnage joué par Jean Dujardin est l’une des ressources de l’humour, comme le rappelle Daniel Andreyev, journaliste et auteur spécialisé dans le cinéma :
« Il est montré comme un débile profond dès les premières répliques du film. Tous les autres personnages se montrent intellectuellement supérieurs à lui. Il représente beaucoup de choses ultra-négatives dans l’esprit collectif français et le film ne fait aucun doute là-dessus. »
Pourtant, je ne suis pas la seule à me crisper quand je vois une citation d’Hubert Bonisseur de la Bath sur Tinder. Voici ce que me confie une étudiante de 18 ans, qui citait elle-même, auparavant, OSS 117 sur l’application :
« Au départ, ça me plaisait de voir qu’on avait quelque chose en commun. Mais au bout d’un moment, j’ai fini par éviter les profils mentionnant “OSS 117”, parce qu’il y en a quand même pas mal qui prennent très au premier degré cet idéal sexiste qui considère les femmes comme inférieures. »
Les mecs qui aiment OSS 117 parce que… bah… ils sont racistes et misogynes
L’étudiante n’a pas tort : certains utilisateurs ne se cachent pas d’utiliser cette référence pour montrer que leur personnalité ne s’éloigne pas trop de celle de l’espion rétrograde.
Wayne, 27 ans, m’explique c’est l’occasion de faire une « présélection » dans les profils. Il m’envoie des captures d’écran du type de personnes qu’il préfère éviter : une jeune femme qui montre ses poils sous les aisselles, celui d’une autre qui se définit comme « intersectional queer feminist ».
« Si la fille est trop féministe, ça va vite me gonfler », précise-t-il. Oui, ça, on avait bien compris.
Du côté de Dylan, 30 ans, exprimer son amour pour OSS 117 sur Grindr, c’est clairement l’occasion de trouver quelqu’un qui partagerait « une nostalgie d’une France qu’on n’a pas connue »
. Qu’entend-il par là ? « Une France qu’on idéalise, avec le côté grande puissance coloniale »… Gloups.
Et au cas où vous doutiez de l’orientation bieeeen à droite de ses convictions politiques, il assène :
« Si Éric Zemmour se présente à l’élection présidentielle, je voterai à fond pour lui. »
Au moins c’est clair.
Les fans d’OSS 117, y en a des bien, quand même
Heureusement, ils ne sont pas tous comme ça : #NotAllOSS117Fans ! Mais comme souvent, lorsqu’on explique un problème de sexisme aux hommes, ils tombent des nues.
C’est le cas de Romain, pour qui OSS 117 est « un film de gauche » : « tu ne peux pas être fan et le prendre au premier degré », affirme-t-il, tout en regrettant que « les vrais fans passent pour des beaufs à cause d’une minorité de cons. »
Julien, qui cite le film sur Tinder dans l’espoir de trouver quelqu’un qui rit des mêmes choses que lui, envisage carrément de retirer cette citation de sa bio, de peur d’être « vu comme un énième beauf sexiste » !
Pourquoi les répliques d’OSS 117 deviennent-elles exaspérantes ?
Selon Daniel Andreyev — qui anime notamment le podcast We Love MDR, spécialisé dans les comédies françaises — le problème ne vient pas des répliques dites par Jean Dujardin mais de leur répétition.
« Dans le contexte du film, c’est hilarant. L’harmonie de la blague délivrée dans un film de 2 heures, ça fonctionne. Mais quand on la cite, encore et encore, jusqu’à la sacraliser, c’est normal que ça devienne énervant. Normalement, on n’a pas envie d’avoir des phrases de connards dans son vocabulaire. »
Surtout quand c’est la fameuse « On en reparlera quand il faudra porter quelque chose de lourd »…
Un troisième OSS 117 qui n’envisage rien de bon
La sortie du troisième OSS 117 est prévue pour le 14 avril prochain. L’amatrice des films de 2006 et 2009 que je suis voit ça comme une bonne nouvelle (et une bonne occasion de retourner au cinéma !), mais la féministe en moi craint le pire.
Même Jean Dujardin n’était pas sûr que ce soit une bonne idée ! Dans un portrait de l’acteur écrit par le scénariste des films, Jean-François Halin, publié dans l’Obs en décembre dernier, on peut lire :
« Quand l’idée a été évoquée d’un troisième film, Jean s’est d’abord dit que l’humour d’OSS 117 ne passerait pas aujourd’hui. Cette question, il me paraît normal qu’il se la pose et il me paraît normal, en tant que scénariste, de ne pas me la poser. »
Daniel Andreyev émet lui aussi quelques réserves :
« Malheureusement, pour “OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire”, il y aura un peu de suspicion. C’est sûr que certaines personnes vont sortir en grinçant des dents. »
Même si Jean-François Halin reste au scénario, comme pour les deux premiers opus, l’arrivée de Nicolas Bedos à la réalisation d’Alerte rouge en Afrique noire au lieu de Michel Hazanavicius brouille les pistes : l’homme est connu pour son humour borderline (et récemment pour ses propos polémiques critiquant le port du masque en pleine pandémie de Covid-19).
Clairement, on n’a pas hâte de voir quelles répliques de ce troisième film les vieux mecs vont sortir de leur contexte pour les utiliser à leur avantage…
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Les Commentaires
Et pareil, j’ai beaucoup de réticences en ce qui concerne le 3ème opus, surtout avec Nicolas Bedos aux commandes. Je n’irai pas le voir.